Merlin Lepori (LCF – Université de La Réunion) : Dans les interstices entre le réel et le récit qui en est fait : Mythes et empreintes politiques Étude de cas du docu-fiction Madame Desbassayns, mythe et réalité d’une icône de l’esclavage » de William Cally

Le docu-fiction est un support au croisement de deux genres apparemment antinomiques : le documentaire et la fiction. Chacun propose au téléspectateur des « pactes de croyances » (Veyrat-Masson, 2010) différents. Le docu-fiction met ainsi en scène en parallèle des experts qui emploient « le langage de la science » (Jurdant, 1969), des acteurs costumés, des effets spéciaux et des reconstitutions. Il est ainsi à la fois une réponse au « critère audimat » (Bourdieu 1994) et aux conditions d’accès aux canaux qu’impose le législateur notamment en ce qui concerne la production et la diffusion de documentaires (Garçon, 2005). En partant de l’étude d’un docu-fiction à propos d’une figure réunionnaise de l’esclavage, « Madame Desbassayns », cette communication cherche à montrer la façon dont le film est pris dans un dispositif qui le contraint. Ainsi, la forme fictionnelle, les logiques de marché dans la production audiovisuelle en France, l’anticipation des attentes des téléspectateurs participent à faire de l’histoire un récit dépolitisé et neutralisé. D’une part, pour prétendre aux audiences du prime time à la télévision et pour tenir une posture d’expertise, le film se veut consensuel et « œcuménique » (Garçon, 2005). D’autre part, en mettant en scène une fiction historique, le film développe ses personnages, adoptant ainsi un regard sur le passé plus psychologique que sociologique.

Merlin Lepori est doctorant à l’université de La Réunion au laboratoire de recherche sur les espaces créoles et francophones (LCF). Sous la direction de Bernard Idelson et Grégoire Molinatti, il réalise une thèse sur les circulations, médiatisation, (dé)légitimations des discours historiques, des traces et des objets de mémoire en lien avec la question coloniale dans l’espace public réunionnais.